La pensée systémique et la théorie de l’attachement se sont développées durant la même époque mais ont pris des chemins différents, jusqu’à maintenant.
Tout comme pour l’attachement, on peut retenir des « types » de famille.
FAMILLE FLEXIBLES
Les familles « flexibles » sont représentées par un style relationnel sécure. La base familiale de sécurité est de bonne qualité. Chaque membre de la famille développe un bon niveau de confiance en soi et de confiance en l’autre. Grace à cela, chacun surmonte sans peine les obstacles de la vie en ayant recours à leurs M.I.O sécures.
FAMILLE INTRIQUEES
Les familles « intriquées, enchevêtrées » sont représentées par un style relationnel d’attachement insécure, anxieux, ambivalent. L’individu a besoin d’autrui pour se sécuriser car ses M.I.O sont de mauvaise qualité. Les membres de la famille ont une confiance en eux limitée et nécessitent de chercher des appuis chez les autres, ce qui les conduits à des liens d’interdépendance entre les partenaires. Il se développe une surcontenance, tentative de colmatage des émotions débordantes.
FAMILLE DESENGAGEES
Les familles « désengagées » sont représentées par un style d’attachement insécure évitant. Les membres étant insatisfaits dans leurs attentes affectives ont appris à ne pas avoir à compter sur autrui. Les démonstrations d’affection se font rare et ils évoquent peu leur souffrance, les émotions sont fortement contrôlées et même mise à l’écart. On parle ici de sous-contenance. Dans ces cas-là par exemple, les parents sont plus attentifs à la réussite scolaire de leurs enfants qu’à leur épanouissement affectif. On observe alors des relations froides, distantes.
FAMILLE CHAOTIQUES
Les familles « chaotiques » sont dominées par un style d’attachement désorganisé. Ici, on note une hyperactivation du système d’attachement. Ces familles ne permettent pas le développement de stratégies efficaces. On oscille entre une hyperactivation et une inhibition. Elles sont au cœur d’un traumatisme, souvent vécu par les parents durant leur enfance, et vivent donc avec ces conséquences. La contenance est poreuse et, par ces trous, passe le négatif traumatique. La protection est difficile dans ces familles, mais elles effraient en faisant paraitre une frayeur qui ne donne pas son nom.
Je vais vous parler à présent des attachements au cours du cycle de vie d’une famille avec l’idée que chaque étape peut être l’occasion d’une réactivation de l’insécurité et donc, d’un système d’attachement.
La proximité physique que l’on retrouve lors d’une rencontre peut ouvrir une période sensible durant laquelle la proximité psychique, l’intersubjectivité conduit à la mise en place progressive d’un lien d’attachement, si bien que le couple s’installe dans une certaine stabilité.
Les familles avec jeunes enfants
Jusqu’aux 4-5 ans de l’enfant, la construction d’un attachement sécure entre les parents et l’enfant s’établit plus facilement quand les parents sont sécures entre eux et chacun d’eux avec l’enfant. Les besoins de l’enfant sont comblés de façon adéquate et les tensions sont rapidement désactivées au profit d’émotions positives.
Cela ne se passe pas toujours aussi bien malheureusement. Entre les partenaires, il peut s’élaborer une relation d’attachement insécure. De ce fait, l’enfant peut ne pas recevoir de réponses suffisamment adéquates car, sa propre figure d’attachement est de son côté, dans une attente affective infantile insatisfaite.
Prenons l’exemple d’un couple, où la mère a développé un attachement insécure préoccupé et son partenaire a construit un attachement évitant. Dans ce type de configuration se mettent en place des stratégies comportementales et relationnelles secondaires et tertiaires.
Les stratégies secondaires (Kobak, 1999) sont celles qui, du côté de l’enfant, correspondent à une activation ou une inhibition excessive du système d’attachement dans ses composantes comportementales.
La stratégie tertiaire correspond alors au recrutement d’un tier dans la relation insatisfaisante avec un partenaire d’attachement.
Si l’on reprend l’exemple cité précédemment, la mère insécure peut maintenir activées exagérément des attentes affectives adressées à son conjoint mais aussi à sa famille, notamment sa mère, et son enfant. De ce fait, les besoins de son enfant sont alors compris par sa mère à travers ses propres besoins personnels et ses réponses risquent davantage de l’apaiser à elle, plutôt que son enfant. La proximité dans leur relation devient donc excessive et insatisfaisante. L’enfant se retrouve bridé dans son exploration de l’environnement car il tente d’apaiser sa mère en restant à proximité d’elle.
Les familles avec adolescents
Les familles avec adolescents sont plus complexes. L’adolescent est confronté à des montées pulsionnelles, des remaniements identitaires, des enjeux liées à son autonomisation sont des facteurs d’insécurité pour l’adolescent, mais aussi pour ses parents.
Les attachements sont alors réactivés mais aussi conflictualisés en raison de la sexualisation généralisée des liens chez les adolescents. Arrivé à cette période et ayant construit un attachement sécure auprès de parents sécures également, la crise d’adolescence est une crise qui se déroule dans l’intrapsychique principalement mais ne remet pas en jeu les liens de confiance entre les membres de la famille. L’adolescent peut s’appuyer sur les représentations positives de ses parents, même quand ceux-là peuvent être maladroits ou trop contrôlants. Il sait qu’il peut compter sur eux en cas de difficultés.
Cela se passe différemment lorsque l’adolescent présente un attachement insécure. La crise de l’adolescence se vit dans la menace de perte et de ruptures affectives. De par son insécurité, il a besoin d’appuis externes et, dans ces cas-là, les parents sont eux-mêmes insécures donc ne sont pas en mesure de répondre de façon apaisante aux besoin affectifs contradictoires de l’adolescent. Lorsqu’il y a des désaccords, ils constatent cette inadéquation. En effet, l’objectif n’est pas de régler le désaccord mais l’enjeu relationnel qu’il y a entre eux en termes de place et de distance.
On note des différences de comportements en fonction des différents types d’attachement. Dans l’attachement anxieux préoccupé, le sujet souhaite avoir prise sur l’autre, ce qui déclenche des pressions, menaces, chantages, mais aussi des recherches d’alliances. Au contraire, dans l’attachement, le sujet préfère se dégager de l’autre. L’adolescent fait semblant et le parent laisse faire.
L’entrée dans la vieillesse
C’est à ce moment-là de la vie que le retour du risque d’insécurité est présent. C’est un âge où la maladie, les séparations et les pertes sont des facteurs augmentant les besoins d’attachement.
Dans un vieux couple, les notions de protection et de tendresse sont importantes, d’autant plus quand les figures d’attachements se font de plus en plus rares autour d’eux.
CYRULNIK – Les interactions tardives
Les interactions tardives désignent, sur le modèle des interactions précoces, la prévalence retrouvée des ajustages comportementaux, corporels et émotionnels, rendus nécessaires par certains déficits sensori-moteurs et neuropsychologiques, pouvant mener un vieux couple à la codépendance. Cela ne signifie pas un retour à l’enfance pour le sujet âgé, mais il s’opère chez lui un « retour d’attachement » (Bianchi, 1989). Ce retour d’attachement désigne la conjonction d’une sensibilité relationnelle exacerbée et d’une raréfaction des figures d’attachement. De ce fait, comme dans la petite enfance, les besoins d’attachement se concentrent sur une ou deux figures privilégiées.
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