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La honte

Dernière mise à jour : 2 déc. 2022

Serge Tisseron s’est intéressé à ce qui pouvait entrainer un secret de famille. Et parmi les possibilités, on retrouve le sentiment de honte.


La honte viendrait d’une situation familiale que l’enfant aurait intériorisée, puis il revivrait à l’âge adulte les relations lui rappelant la situation initiale.


Tisseron explique que la honte est un sentiment social qui peut naitre également de traumatismes et violences extérieure. Elle est très contagieuse et se transmet de génération en génération.


Elle est à bien distinguer de la culpabilité qui elle peut être partagée et motiver un travail thérapeutique. La honte à l’inverse, doit être cachée et niée. Parler de sa honte entrainerait une exclusion sociale de l’individu, tandis que parler de sa culpabilité rétablit la cohésion sociale.


D’après Tisseron, la honte est « l’affect maître du secret ». Celui qui porte le secret va souffrir du sentiment de honte durant toute sa vie. Lorsqu’il va s’approcher d’une situation similaire à celle qui l’a traumatisée, la honte se manifestera à nouveau sur le plan émotionnel par la colère ou la haine par exemple. Si elle a été enfouie profondément, les réactions seront encore plus extrêmes.


La honte de celui qui porte le secret se manifeste donc par des comportements inadéquats qu’un enfant percevra sans pouvoir l’exprimer. Dolto disait : « Dans une famille, les enfants et les chiens savent tout, toujours, et surtout ce qu’on ne dit pas ».


Ce clivage entre la honte et la « normalité » est alors à l’origine de souffrances et de comportements incohérents. Afin de ne pas trahir ni faire souffrir son parent, l’enfant sent qu’il doit, lui aussi, garder le silence, éprouvant de ce fait la honte même de vouloir savoir.


Déroulé de la transmission de la honte

Il y a d’abord un acte honteux, qui devient un secret (généralement à la génération des grands-parents).

Il se transforme ensuite en sentiment honteux pour l’enfant, qui devient alors porteur du secret (génération des parents).

Pour enfin prendre la forme d’une pathologie de la honte (génération des enfants). On constate alors une honte inexplicable, un comportement lié au secret de son ascendant, des névroses obsessionnelles ou même des phobies.


La honte est donc une émotion à la fois sociale et individuelle et est à l’origine de nombreux comportements problématiques.


Différencions dans un premier temps la honte de la pudeur et de la culpabilité.


La pudeur est une protection contre le désir de se montrer, elle s’apprend par imitation, en nous identifiant aux comportements pudiques d’un adulte durant la petite enfance. La pudeur fait craindre de perdre l’estime de soi.


La culpabilité nous fait nous sentir coupable de quelque chose, elle fait craindre de perdre à la fois l’estime de soi et l’affection de ses proches. Mais lorsque l’on se sent coupable, on est assuré de pouvoir purger sa faute et d’être réintégré dans la communauté.


Tandis que la honte fait craindre de perdre à la fois l’estime de soi, l’affection de ses proches mais également l’insertion dans la communauté.


Les phases de la honte

Durant la première phase, l’individu vit une expérience catastrophique, il ressent l’angoisse d’être littéralement retranché du monde.


Vient ensuite la confusion : l’individu n’est plus rien, mais dans la confusion, il a au moins la confirmation qu’il existe. Seulement, toutes les autres émotions vécues dans la situation initiale ont disparue.


Enfin, le sentiment de honte est en place. L’individu se dit qu’il a honte, mais lorsqu’il se dit cela, cela lui permet de prendre de la distance face à ses ressentis. Il se sent exister en tant que sujet capable d’identifier sa réalité psychique. De plus, avoir honte, c’est craindre que les autres nous fassent honte. Donc l’individu prête aux autres la possibilité de faire attention à lui.


Il est donc très important de formuler son sentiment de honte afin de réussir à la dépasser.


Reconnaître la honte

La honte peut revêtir plusieurs visages et se cache derrière de nombreux masques, découvrons lesquels…


L’individu peut recourir à des aménagements que l’on qualifie de « catastrophiques » :


Le pseudo masochisme : l’individu va se retrouver dans des situations où il aura honte en sachant pourquoi, il est actif dans cette démarche.


La culpabilité généralisée : le pardon n’est pas possible, le sujet est coupable de tout et tente de réparer sa honte mais cela ne marche pas car il y a toujours des restes.


L’indignation généralisée : l’individu retourne la honte, « c’est une honte ! », il s’indigne de tout : c’est une manière de couvrir sa propre honte.


La violence directe : le sujet qui se sent honteux va tenter d’imposer la honte à l’autre jusqu’à l’agression, « tu devrais avoir honte de… ».


La violence indirecte : Ici, il ne va pas imposer sa honte à l’autre mais va l’accuser de vouloir lui faire honte, « ne me manque pas de respect ! ». C’est alors le point de départ d’une violence, mais exercée par autrui.


L’individu peut également recourir à des déplacements :

Il ne changera rien à la honte, mais va lui donner une cause différente de ce qu’elle avait initialement. Par exemple, elle peut mettre en avant une fausse raison pour cacher la véritable. Parfois, elle se trompe et pense sincèrement qu’une chose lui fait honte alors que s’en est une autre.


Beaucoup de gens peuvent avoir fonte sans savoir pourquoi car ils se sont imprégnés de la honte d’un autre et ils vont donc essayer de trouver dans leur vie une cause à leur honte, mais ce sera une cause fabriquée.


Ici, l’individu garde l’émotion, mais change sa cause.


On pourrait avoir honte pour sept raisons.


Pour un acte accompli : honte de comportement.


Pour un acte dont on a été victime ou témoin : honte de contagion.


Par proximité affective et émotionnelle avec quelqu’un qui l’éprouve : honte de proximité.


Pour un acte accompli par un proche, et dont il a honte : honte de solidarité.


Pour un acte accompli par un proche qui n’en a pas honte : honte d’expiation.


Pour un acte qu’on imagine qu’un autre a commis, même s’il n’a rien fait : honte d’imagination.


Sans savoir pourquoi : honte d’avoir honte.


La honte est contagieuse

Face à la honte de l’autre, il se produit deux phénomènes :

D’abord, on souhaite le secourir, lui permettre de dépasser sa honte.

Mais ensuite, si on secoure quelqu’un de honteux, on craint alors d’être à notre tour rejeté comme lui par ses persécuteurs.

Alors, afin de justifier de ne rien faire pour lui, on se dit « peut-être que sa honte est justifiée ? je devrais me mettre à l’écart car il doit le mériter d’une certaine façon ».

On se retrouve face à un conflit d’ambivalence : Faire quelque chose, ou ne rien faire. Quel que ce soit le choix, nous serons dans la honte : honte d’être associé à cette personne, ou honte de n’avoir rien fait.


La honte est souvent une conséquence des secrets de famille

Nous l’avons répété à maintes reprises, les secrets de famille sont généralement liés à des traumatismes. Celui qui porte cette blessure éprouve parfois de la honte, mais pas toujours.

Quand l’enfant pressent qu’on lui cache quelque chose, il imagine alors que ses parents ont pu faire quelque chose de honteux. Il devient alors honteux de ce qu’il imagine.

Dans ce cas, l’enfant va alors se construire de « bonnes raisons » d’avoir honte, donc des raisons personnelles. Par exemple, un enfant pourra développer une addiction et déclarera à ses parents qu’ils doivent avoir honte à cause de lui alors que finalement, c’est la honte de ses parents, dont il ignorait la cause, qui aura été déterminante dans son destin.





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